Refusant une promotion pour devenir gestionnaire au sein d’une compagnie réputée, il décide d’écouter ses valeurs et il choisit de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale avec sa propre philosophie d’entreprise !
Rémy Gendron, fondateur et PDG de INGENO, ne s’estimait pas comme un entrepreneur dans l’âme il y a quelques années. Il n’avait ni amis ni membres de sa famille en affaires. Mais, dans le contexte de l’époque, il avait une vision qui était nourrie par l’adversité qu’il ressentait : la vision que l’on peut rester expert dans un domaine ET être aussi un gestionnaire. Refusant de choisir entre les deux rôles qu’il aime, un éclair lui traverse l’esprit :
Je vais inventer une entreprise où, durant sa carrière, on ne sera pas obligé de choisir entre la techno ou la gestion. On pourra occuper les deux fonctions !
Pour réaliser cet article, je me suis entretenu avec l’un des 3 CEO’s de INGENO, Rémy Gendron, technologue chevronné et aussi conférencier. Ses partenaires d’affaires sont également des amis de longue date : Denis Brochu (COO) et Guillaume Beaulieu-Duchesneau (CTO). INGENO est une firme de conception de solutions logicielles sur mesure (SaaS), qui dessert les grandes entreprises nord-américaines telles que InsideSales, DriveScale, BlueYonder et Instantly, ainsi que plusieurs PME et startups.
Lorsque nos valeurs nous forcent à nous lancer en affaires
Rémy s’est parti en affaires par hasard il y a 12 ans. Il était architecte principal pour la renommée compagnie Taleo et il adorait son travail. Un jour, on lui propose une promotion en lui offrant un poste de manager. Ce qui voulait dire « fini l’écriture de codes » pour lui. Le premier réflexe aurait été de voir cette offre comme une opportunité d’avancement, mais pour lui c’était une décision très difficile à prendre. Il s’est dit : pourquoi choisir entre les deux rôles qui me plaisent, entre l’expert techno ou le gestionnaire ?
Puisqu’il n’a pas la possibilité d’effectuer les deux rôles, il refuse l’avancement et il donne sa démission huit mois avant son départ. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire professionnellement et n’a jamais même pensé à se lancer en affaires avant ce moment. Il voulait être pigiste. Il me donne une référence pour mieux comprendre son point de vue : la simulation virtuelle Kobayashi Maru[i] que l’on retrouve dans StarTrek.
Il faut toujours se battre pour rester qui on est… pour ne pas se dénaturer.
La création de INGENO
Lorsque Rémy est arrivé pour se lancer en affaires, il n’avait aucune idée d’entreprise. Deux choses le motivaient alors : sa vision d’inclure les deux rôles qu’il aime et travailler avec des gens passionnants.
Je souhaitais m’entourer d’amis et de gens qui partagent le même plaisir d’échanger ensemble.
Il travaille quelque temps à son compte comme consultant expert. Puis un jour, il demande à deux de ses bons amis s’ils ont le goût de se lancer en affaires avec lui. Les deux acceptent le défi et ça fait maintenant plus de 25 ans qu’ils travaillent ensemble et qu’ils savourent leur belle complicité au quotidien !
Le mot INGENO vient des mots « ingénieux » et « no » qui signifie « la communauté ». Ils sont maintenant 42 experts. INGENO est une entreprise de développement de solutions numériques sur mesure ayant plusieurs clients dans la Silicon Valley.
Bâtir son Dream team
Je lui ai demandé s’il se sentait fier d’avoir bâti une équipe de rêve comme celle-là ? Rémy se sent plus privilégié que fier puisqu’il a la chance de travailler avec des gens qui sont des experts reconnus dans leurs spécialités respectives. C’est la seule façon de réussir.
Je me suis donné la liberté de choisir les gens avec qui je désire travailler, des gens que j’aime sincèrement, que j’admire et qui m’impressionnent tous les jours.
La force de Rémy… c’est son leadership. C’est sa capacité à rassembler des personnes exceptionnelles autant par leur personnalité que pour leur talent. Et c’est une des bases du succès de l’entreprise. Savoir s’entourer des gens qui sont meilleurs que lui. Je sais que c’est cliché… mais c’est tellement vrai ! me dit-il. Les deux valeurs qui sont privilégiées dans l’équipe sont l’amour et l’excellence !
Pour pouvoir se payer l’amour et le luxe d’une équipe de rêve… il faut d’abord être excellent !
Comment l’équipe a été formée ?
Pour choisir les membres du personnel, deux critères de sélection sont priorisés :
- 50 % sont accordés pour l’excellence technique et l’expertise.
- Une fois que l’expertise est validée, l’autre aspect qui est considéré est la qualité exceptionnelle des gens. Des personnes intellectuellement stimulantes qui peuvent échanger sur divers sujets et qui aiment interagir avec leurs pairs.
Donc, ils ont choisi des personnes qui ont un parcours atypique et qui proviennent de différents milieux (maîtrise en politique, musicien de calibre international, anciens militaires, humoriste…) qui ont été formés à l’interne. Ils ont aussi choisi des jeunes qui sortent de l’école au potentiel incroyable et qui souhaitent s’impliquer et laisser leur trace par leurs idées ingénieuses.
Les séniors remarquent l’incroyable expertise des jeunes. Les juniors, quant à eux, remarquent que les séniors ont encore la passion et qu’ils sont aussi cool qu’eux et la chimie se produit naturellement. Il n’y a donc pas de conflits intergénérationnels.
Modèle d’affaires Lean : une entreprise « agile »
Rémy m’explique que les trois CEO’s n’imposent pas plein de recettes déjà établies. Ils adoptent plutôt une grande ouverture aux visions de tous les membres de l’équipe. Toute la philosophie « agile » part de là !
La hiérarchie est presque nulle. Il y a un seul PDG, ensuite tout le personnel est en dessous sur le même pied d’égalité. Pour demeurer à jour dans leur domaine d’expertise et entretenir la complicité entre les membres de l’équipe, tous les doyens et les jeunes recrues codent, sans exception ! Selon les fondateurs, tu ne peux pas rester expert techno et ne plus programmer, ça n’a pas de sens pour eux. Pour le partage d’informations liées à l’entreprise, le PDG anime des rencontres hebdomadaires.
Clés de la réussite de INGENO
L’expérimentation … Telle est la philosophie valorisée chez INGENO. Puisque la plupart des compagnies en technologie ont des gens très intelligents qui travaillent au sein de leur organisation, il faut donc d’autres ingrédients pour garantir le succès et la notoriété d’une entreprise dans ce domaine.
À un certain niveau d’expertise, tu ne peux pas être plus intelligent que la concurrence, mais tu peux travailler différemment pour offrir plus de valeur à tes clients…
« La digitalisation est un mot à la mode cette année. Le Futur proof… ça n’existe plus ! C’est maintenant impossible. Ça évolue trop rapidement. », affirme Rémy.
Pour eux, adopter une approche scientifique et mesurable à court terme est essentiel pour le bénéfice de leurs clients. Pour régler un problème, ils vont trouver et mettre en place des solutions qui vont régler environ 85 % du problème en quelques semaines seulement ! Et ce, à la moitié du coût du marché ! Comment réussissent-ils cet exploit ? Ils utilisent l’intelligence collective de l’équipe pour trouver des solutions alternatives efficaces qui pourront générer des revenus dès leurs mises en marché ! Puis, durant le développement du 15 % qui reste à produire, ils mesurent les performances du produit et l’améliorent au fur et à mesure.
Donc, au lieu que le client investisse des centaines de milliers de dollars durant presque un an pour avoir un produit prêt à 100 %, pour ensuite générer les premiers revenus, ils créent un produit utilisable en quelques semaines seulement. Ainsi, leurs clients absorbent rapidement une partie de leur investissement. Pour évaluer le retour sur l’investissement, on n’a qu’à se poser ces deux questions :
- Combien coûte une mauvaise première impression d’un produit numérique pour une entreprise ?
- Combien coûte, en perte de revenus, l’arrêt de l’utilisation d’un produit durant 2-3 mois avant de le remettre sur le marché ?
Pour l’équipe de direction, le but est de simplifier l’équation et de minimiser les risques possibles pour régler le problème d’un client. Un peu comme le marketing, il faut faire plusieurs essais avant de trouver la solution optimale du moment qui donnera les résultats souhaités.
Culture d’entreprise inspirée par celle de Netflix
Rémy m’explique qu’il s’est inspiré de la culture d’entreprise de Netflix[ii] pour bâtir celle d’INGENO. Il m’avoue n’avoir aucun mérite sur cette philosophie appelée « freedom and responsibility ». Ce qui concorde avec leur slogan : Déployez votre liberté ! (freedom)
Elle se résume en trois points principaux :
- Le partage des informations liées au contexte des clients. Il n’y a pas de chargé de projet. Des équipes de 2 à 7 experts sont formées et elles sont autonomes (DevOps). Tous les membres de l’équipe sont en communication directe avec les clients.
- L’autonomie décisionnelle et d’action. Chacun comprend ce qu’il a à faire et pourquoi il le fait. « La règle du 15 minutes ». Si une personne de l’équipe dépasse 15 minutes pour donner une solution à un problème, l’autre personne peut prendre l’initiative de choisir sa propre solution = moins de perte de temps.
Les deux premiers critères réunis permettent de livrer dix fois plus de valeur au client pour le même prix parce que cette « plus-value » ne s’applique pas seulement sur le produit, mais à l’entreprise elle-même.
- Imputabilité des opérations. Chaque membre d’une équipe est imputable des résultats et des opérations. Cela devient un très gros incitatif pour s’assurer d’une qualité optimale au lancement d’un produit. Imputable dans le sens « responsable » et non « punitif ». Exemple : S’il arrive un bogue, c’est la personne qui a écrit le code concerné qui est responsable et qui recevra un appel du client un samedi soir, s’il y a lieu. C’est l’équipe qui joue le rôle du service à la clientèle.
Pour qu’une équipe fonctionne, il faut que les gens qui font partie de l’équipe partagent les mêmes valeurs entre eux.
Rémy Gendron
Conférence « 30 minutes dans la Silicon Valley »
Rémy fait la promotion comme conférencier de la culture moderne de développement et il accompagne de nombreuses entreprises nord-américaines dans l’utilisation des technologies afin d’atteindre leurs objectifs d’affaires. En savoir plus
Crédits photo : Marc-Antoine Hallé
Crédits design de l’image de couverture : Mélissa Lachance
Un merci spécial à Caroline Roberge pour la révision du texte.
[i] Le Kobayashi Maru est un exercice d’entraînement dans l’univers fictif de StarTrek conçu pour tester le caractère des cadets de la Starfleet Academy dans un scénario sans victoire. C’est un exercice qui implique de redéfinir le problème et de gérer gracieusement un scénario insurmontable. Le personnage principal, le capitaine Kirk, refusa toutes les options considérées « impossibles » pour en inventer une qui correspond plus à ses valeurs.
[ii] La compagnie Netflix valorise neuf comportements et compétences fondamentaux chez ses employés : le jugement, la communication, l’influence, la curiosité, l’innovation, le courage, la passion, l’honnêteté et l’altruisme. Ses dirigeants estiment qu’un bon milieu de travail doit être peuplé de « collègues extraordinaires » qui incarnent ces qualités ; c’est pourquoi le modèle de Netflix consiste à « augmenter, plutôt qu’à restreindre, la liberté des employés, et ce, à mesure que l’entreprise croît, afin de continuer de recruter et de stimuler des personnes créatives et dynamiques ». Référence : Journal Les affaires.